Pour lancer son Lab Arts&Makers et à l’occasion du retour du festival Rio Loco, le Roselab collabore avec le Quai des Savoirs et les acteurs de la Fabcity dans le cadre d’Africa 2020 dans un projet fou : une fabrication grandeur nature (environ 3 mètres) de la tête de Luzira imaginée par l’artiste Bruno Ruganzu, en résidence au Quai.
Innovation frugale, lowtech, fabrication numérique, innovation collaborative, arts, makers… ce projet magique emmène la communauté maker toulousaine dans de nouveaux défis pour faire ensemble. Retour sur le projet avec trois acteurs de cette fabrication artistique partagée !
Bruno Ruganzu, artiste Ougandais
Qui es-tu ?
“Je suis artiste et je travaille principalement à base de déchets recyclés. L’objectif est de les transformer en installations artistiques interactives, de manière collective avec la population d’Ouganda.
C’est lorsque j’ai déménagé à Kampala, la capitale de l’Ouganda, que j’ai trouvé une quantité importante de déchets qui m’ont donné l’idée de les recycler et d’en faire de l’art. Ces derniers temps, je m’intéresse à l’utilisation du savoir africain indigène dans la “collaborative Art making”.
Pour Africa2020, pourquoi souhaites-tu rendre hommage à Luzira Head ?
« Il s’agit d’une tête en terre cuite découverte dans l’enceinte des prisons de Luzira, datant de l’an 1000. C’est l’une des plus anciennes sculptures subsahariennes encore découvertes en Afrique. Le peuple Baganda, dont on dit qu’il est à l’origine de l’objet, a une grande histoire culturelle avec un patrimoine considérable. Elle est actuellement exposée au British Museum. En la refabriquant de manière collaborative, je souhaite restituer ce patrimoine culturel à mon peuple. A cela s’ajoute, cette dimension créative et économique avec l’utilisation comme matières premières de déchets électroniques réduisant ainsi la quantité que nous consommons ou achetons.
Pendant ma résidence de trois semaines à Toulouse, en France, je lance un défi : faire passer la taille originale de 17 centimètres à une tête de sculpture de 3 mètres. Cette sculpture participative sera réalisée à partir de déchets et de matériaux recyclés collectés et produits par les habitants de Toulouse. L’ensemble de l’œuvre, de l’idée à l’objet, se fait au Roselab.«
Tu travailles avec des fablabs, les connaissais-tu avant ? Qu’est ce qu’ils apportent à ton projet ?
« J’avais quelques connaissances théoriques en tant qu’universitaire africain et heureusement, j’ai pu travailler avec les fablabs pour la première fois grâce à ce projet. Il y a des espaces dans le centre de Kampala, comme Katwe, où j’ai toujours eu l’impression que l’on pouvait faire n’importe quoi, mais ils ne sont pas aussi bien équipés que le Roselab par exemple. Je suis vraiment heureux de pouvoir fabriquer avec vous, de faire ensemble !«
Laurent Chicoineau, Directeur du Quai des Savoirs
Qui es-tu ?
« Je suis le directeur du Quai des Savoirs, un centre culturel basé à Toulouse, où nous nous intéressons particulièrement aux recherches scientifiques, à la création contemporaine, à l’innovation sous toutes ses formes, et aux imaginaires du futur ».
Quel est le rôle du Quai des Savoirs dans ce projet ?
« L’idée c’est d’apprendre et de nous inspirer de l’expérience de ces deux artistes ougandais qui développent des pratiques environnementales et sociales fortes, à travers le recyclage et l’économie circulaire. Nous pilotons ce projet, soutenu par l’Institut Français, avec de nombreux partenaires toulousains ».
Le Quai des Savoirs fait appel une nouvelle fois aux acteurs de la Fabcity Toulouse pour fabriquer ensemble. Pourquoi ?
« Au Quai des Savoirs, notre mission est de construire le futur ensemble, à travers des projets collectifs qui permettent de reprendre la main, par exemple sur nos modes de consommation et de production, et sur le cycle de vie des produits – un objectif partagé avec la Fabcity Toulouse ».
Antoine Ruiz-Scorletti, head of Roselab
Les Labs, qu’est ce que c’est ?
“Un fablab ou un espace du Faire est un lieu qui regroupe des machines, des savoir-faire et une communauté. Le rôle du Roselab est de favoriser le lien et la mutualisation des savoir-faire au sein de cette communauté aussi riche que diverse. Les Labs (Mobilités, Arts & Makers, écologie…) viennent donc offrir le cadre parfait pour favoriser les intérêts mutualisés et les projets collaboratifs”.
Un art maker, ça existe vraiment ?
“Être maker, c’est faire par soi-même et avec les autres. Les techniques de la fabrication partagée, qu’elle soit numérique ou manuelle, viennent ouvrir les possibles et donner vie aux idées les plus folles comme celles de Bruno et sa tête géante. Une idée, un défi technique, une envie… On peut tout fabriquer tant que nous nous posons les bonnes questions et que nous favorisons le faire ensemble”.
Le projet de Bruno, c’est inspirant pour la communauté du Roselab ?
“Être maker, c’est se dire à chaque instant comment je vais faire, savoir demander de l’aide et documenter, savoir penser un objet de sa conception à sa réparabilité, c’est aussi savoir transformer, détourner, réutiliser… Le faire ensemble, c’est à la fois partager des savoir-faire et des matières.
Lorsque Bruno est arrivé avec son projet, nous nous sommes demandé comment nous allions faire pour ce projet si fou. L’idée était belle mais nous devions faire avec des contraintes (rapide, efficace, sûre…), fabriquer ensemble tout en ne refusant pas les désirs de cet incroyable artiste. Nous avons réunis différents acteurs de la Fabcity et nous avons fabriqué avec nos savoir-faire et nos différences.
Être maker, c’est savoir se remettre en question. C’est peut-être ça l’innovation frugale, savoir faire au plus simple pour les rêves les plus fous.
Rendez-vous spécifiquement toute la journée du 5 juin au Roselab pour le tout premier chantier artistique du Roselab du Lab Arts & Makers pour un workshop créatif autour de la tête de Luzira, en miniature ou en grandeur nature. Cette résidence artistique est à retrouver lors du festival Rio Loco dès le 13 juin”.