La nouvelle édition de l’émission économique de La Cité a donné la parole à des dirigeants et dirigeantes d’entreprises d’Occitanie engagées dans des actions entrepreneuriales novatrices dans les secteurs de l’agriculture, du commerce, du numérique et du transport. La directrice régionale de l’Insee a aussi partagé son analyse et ses données sur la situation économique d’Occitanie. Verbatim.

Emmanuelle Durand-Rodriguez

Consommations, les mutations en cours

Salomé Géraud, co-fondatrice de Le Drive tout nu, la startup dont les équipes sont installées à La Cité : « L’ambition du Drive tout nu est entrepreneuriale et sociétale avec l’objectif de contrer les effets du plastique et des emballages sur l’environnement et la santé. Nous avons fait le constat qu’il était très compliqué de consommer en zéro déchet surtout lorsque l’on n’habite pas en centre-ville. Nous avons donc voulu simplifier et démocratiser l’accès aux courses zéro déchet et locales pour limiter les effets du transport. En 2018 nous avons créé notre premier drive dans le Nord de Toulouse et il y a quelques semaines nous avons ouvert, en franchise, le premier Drive tout nu à Lille. Les franchisés doivent avoir le label ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) et doivent s’engager à ce qu’au moins 60% des produits vendus soient issus d’un périmètre de moins de 100km autour du point de vente. Les produits doivent aussi être bio ou assimilés bio. À Toulouse nous n’avons pas de difficultés à répondre à ce cahier des charges mais cela demande de repenser complètement les achats, la gestion des stocks et la relation avec les producteurs. Aujourd’hui, nous avons ainsi 200 producteurs locaux et donc un fonctionnement très différent de celui de la grande distribution. »

Amandine Largeaud, co-directrice de Le 100ème Singe : « Notre mission est de favoriser la re-création d’une ceinture verte nourricière de fermes péri-urbaines autour de Toulouse. L’alimentation redevient centrale, c’est ce qui fait notre humanité et il y a actuellement un grand élan collectif vers des reconversions professionnelles en agro-écologie. Mais il ne faut pas laisser seules les personnes qui s’engagent en ce sens ;  la société doit se regrouper pour soutenir leurs initiatives et travailler de façon collaborative. Le 100ème Singe s’est donné pour mission de favoriser et de sécuriser les reconversions (accès au foncier et aux premiers équipements, formation, investissements). Notre objectif est de redonner une autonomie alimentaire à la métropole ce qui n’est plus du tout le cas en raison des modèles actuels d’agriculture et de la spéculation foncière. C’est un projet tellement ambitieux qu’il faut le mener dans un cadre collaboratif et créer des modèles nouveaux, hybrides, qui à la fois remplissent des missions d’intérêt général et sont autosuffisants donc viables économiquement. De manière générale on sait financer l’innovation technologique, on sait moins financer l’innovation sociale et organisationnelle. Beaucoup de choses sont collectivement à inventer !  »

Aéronautique, une prise de conscience accélérée

Jean-Christophe Lambert, co-fondateur et CEO, Ascendance Flight Technologies :  « Nous avons l’ambition de participer à décarboner l’économie. Après avoir participé avec mes trois associés au projet d’avion électrique E-Fan d’Airbus qui a traversé la Manche, nous avons créé notre entreprise en 2018. Nous sommes portés par la conviction que nous pouvons proposer des appareils différents et des solutions énergétiques hybrides beaucoup moins émettrices en gaz à effets de serre. Actuellement on sent une mobilisation forte dans le secteur ; la crise a clairement accéléré la prise de conscience dans l’aéronautique et de manière générale dans la société. Concrètement, nous développons, pour 2025,  un aéronef alternatif à l’hélicoptère (pour 2025) qui sera à propulsion électrique hybride et qui permettra de gagner entre 50 et 80% d’émissions de gaz à effets de serre et de diviser le bruit par 4. Il sera à décollage et atterrissage verticaux et avec une autonomie de 200km. Il pourra être utilisé pour du transport, de l’urgence sanitaire ou des services médicaux. En parallèle, nous travaillons sur des solutions énergétiques hybrides, électriques et thermiques, mais aussi sur des motorisations hybrides que nous proposons aux avionneurs. Elles pourront à l’avenir accueillir de l’hydrogène ou ce que l’on appelle des ‘sustainable aviation fuels’. Bientôt nous inaugurerons notre premier bâtiment industriel sur l’aéroport de Muret-Lherm où l’Atea sera testé. En attendant nous avons déjà des tests en cours sur l’aéroport de Francazal. L’entreprise est née à Paris mais a choisi l’Occitanie pour s’implanter. Nous sommes soutenu par La Région, AD’OCC et Nubbo et nous recrutons. Nous serons une vingtaine d’ici à la fin de l’année puis assez rapidement une trentaine. »

Data, IA et nouvelles mobilités

Benoit Perrin, directeur général d’EasyMile qui vient d’annoncer avoir levé 55 millions d’euros : « L’objectif de cette levée de fonds est de finaliser notre développement technologique et de franchir les dernières étapes avant la commercialisation et le déploiement à l’échelle de notre technologie. Celle-ci se concentre autour de la robotique, de la vision par ordinateur et de l’intelligence artificielle et a été testée dans plus de 300 sites et plus de 30 pays. L’entreprise a été créée il a 6 ans avec l’idée que le véhicule autonome étant un sujet complexe, il fallait commencer par des cas d’usage relativement simples sur des zones fermées à des vitesses entre 20 et 30 km/h. Courant 2022, les premiers véhicules de tracteurs à bagages autonomes seront déployés dans la dizaine d’aéroports sur lesquels nous faisons des tests. Nous continuons aussi à travailler sur une navette autonome de transport public d’une quinzaine de places utilisée sur le premier et le dernier kilomètre, à des vitesses en-dessous de 30 km. Par exemple à Toulouse nous expérimentons depuis quelques semaines la navette autonome sur une distance de 800 mètres entre le parking et l’hôpital de l’Oncopôle. Il y a, à bord, un opérateur de supervision et notre défi technologique principal est de pouvoir fonctionner sans personne à bord avec des niveaux de sécurité équivalents à l’aviation ou au ferroviaire. » L’entreprise compte 250 salariés, dont 180 à Toulouse.

Olivier Auradou, directeur Occitanie Data : « Il y a actuellement un problème de confiance entre les usagers et ceux qui déploient les nouveaux services innovants qui utilisent les données. Or celles-ci sont essentielles aux nouvelles mobilités et plus largement aux nouveaux modes de vie. Les citoyens qui vont entrer dans un véhicule autonome ont par exemple le droit de savoir comment cela fonctionne. La confiance dans le progrès n’allant plus forcément de soi, l’objectif d’Occitanie Data qui deviendra bientôt Ekitia est de s’assurer du développement éthique de l’économie de la donnée. Il s’agit bien sûr de la protection des données personnelles mais aussi de l’impact environnemental du numérique ainsi que de l’explicabilité et de la transparence des algorithmes utilisés dans l’intelligence artificielle. Nous sommes dans une période très spécifique où les innovations technologiques se multiplient et où le cadre juridique se clarifie. C’est le moment d’intégrer la dimension éthique dès le départ des projets. Pour cela on peut faire de ‘l’éthique by design’ c’est-à-dire intégrer des valeurs humaines et des principes inclusifs très en amont, dès la conception des outils technologiques. C’est pourquoi Occitanie Data travaille à la création d’un label éthique qui valorisera les projets numériques respectueux basés sur des valeurs portées par notre Charte éthique des usages des données. »

Du réchauffement climatique à la R&D : une photographie de l’Occitanie

Caroline Jamet, directrice de l’Insee Occitanie : « Notre région est très fortement concernée par le réchauffement climatique et la hausse des températures. Nous avons mené une étude avec Météo France qui indique qu’au cours des trente prochaines années les épisodes de canicule (journées d’été et nuits tropicales) seront de plus en plus fréquents partout en Occitanie. Les vagues de forte chaleur toucheront en particulier les territoires du pourtour méditerranéen mais atteindront aussi toute la plaine de la Garonne. Ce sont les zones les plus peuplées de la région. Cela signifie qu’à l’horizon 2050, un habitant sur deux sera potentiellement exposé à de fortes chaleurs à répétition, avec des conséquences sur la santé, les inégalités sociales et sur l’économie notamment le BTP et l’agriculture. Chaque année l’Insee Occitanie met par ailleurs à jour un tableau de bord du développement durable.

L’Occitanie est désormais la 4e région de France sur le plan démographique puisqu’au 1er janvier 2021 elle a dépassé les Hauts-de-France. Avec un peu moins de 6 millions d’habitants, elle est derrière l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine. Notre dynamisme démographique est d’ailleurs plus fort que celui de la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie pourrait donc devenir rapidement la 3è région française. Elle est extrêmement attractive avec plus d’arrivées que de de départs même si depuis 2017 on a davantage de décès que de naissances.

D’un point de vue économique, l’Occitanie est aussi la 4è région française en termes de création de richesses, avec un PIB de 174 milliards d’euros. Une région également très dynamique en termes de créations d’emplois même si les effets de la crise se font sentir. En 2020, la région a perdu 20 400 emplois alors qu’en 2019 elle avait créé plus de 30 000 emplois. On constate que dans notre région la dynamique de l’emploi est portée par les micro-entreprises et les PME. La croissance des grandes entreprises provient principalement de l’apport d’ETI. De même, la hausse de l’emploi dans les ETI résulte du dynamisme des PME, lui-même alimenté par la croissance des microentreprises.

L’Occitanie consacre 3,5% de son PIB à la recherche privée et publique et c’est la première région de France en termes d’effort de recherche. Au niveau européen, elle est la 18è région européenne. C’est la seule région française qui soit parmi les 20 premières. Ces performances sont liés aux fortes implantations du CNRS, du CNES, du CEA, des centres de recherche des écoles et universités ; elles sont liées également à la recherche privée chez Airbus, Thales, Pierre Fabre, Sanofi, etc.

Une enquête est en cours sur les mutations dans l’aéronautique. Ce que l’on peut dire aujourd’hui c’est que le choc consécutif à la chute vertigineuse du trafic aérien en mars 2020 a été extrêmement important avec une forte baisse des effectifs dans la filière aéronautique. Après le 11 septembre puis pendant la crise de 2008, on avait constaté une stabilisation du trafic mais jamais de chute du trafic. Conséquence, en 2020, l’Occitanie a perdu 6200 salariés alors qu’en 2019, la filière avait créé 4100 postes. Heureusement les mesures de soutien de l’État et de la Région ont permis de maintenir les compétences dans un bon nombre d’entreprises de la filière et c’est un signe très positif pour une relance. »

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