Voici l’appel à l’audace, émis par l’agence Kardinal T au début de la crise COVID-19, qui incitait les acteurs économiques à ne pas rester muet,  à ré-inventer leur communication et à anticiper la sortie de crise… Force est de constater que ceux qui ont saisi des opportunités de prise de parole  (salons virtuels, production de contenu de fond, formations etc…) et anticipé la reprise des événements physiques, sont ceux qui repartent le plus vite aujourd’hui !

5 juin 1976. Ils sont nombreux à s’être préparés pour prendre le large en solitaire. Plus de 120 marins s’élancent. Mais la météo a décidé de changer la donne et de rincer leur enthousiasme. Les dépressions s’enchaînent sur l’Atlantique Nord. La Transat anglaise connaîtra l’hécatombe : 45 abandons, 2 disparus. Sur Pen Duick VI, une avarie pousse Éric Tabarly à faire demi-tour puis il se ravise.

Changement de cap. On le perd. Le temps est terrible et la lutte acharnée. Au terme de 23 j 20 h 12 min, à la surprise générale, il fend la brume de la baie de Newport. Victorieux. « Je suis bien content. » répond-il aux journalistes qui se pressent pour l’interroger. Préparé, juste, volontaire et stratège.

OSONS CHANGER DE CAP 

A l’image d’Eric Tabarly, nous affrontons aujourd’hui une tempête majeure provoquée par le COVID-19. L’aéronautique en particulier essuie un revers sans précédent. Face à cette épreuve, nous sommes prêts. Osons changer de cap. 

Bien sûr, le contexte imminent s’avère particulièrement difficile. La baisse du prix du pétrole (devenu négatif dans la nuit du lundi 20 avril au mardi 21 avril 2020, atteignant les moins 37 dollars, du jamais vu, en raison de la saturation des stockages) incite les compagnies aériennes à ne pas renouveler immédiatement leurs flottes avec des avions moins consommateurs de kérosène, plus propres.

Cette tentation légitime, que l’on comprend dans l’urgence tant les enjeux de trésorerie sont forts, ne saurait être qu’une stratégie à court terme. Elle serait irresponsable et dommageable pour l’environnement et l’emploi à moyen et long terme.

 On ne gagne pas de course au large sans stratégie audacieuse.

On peut naviguer à vue quelques miles, mais on ne gagne pas de course au large sans stratégie audacieuse. Éric Tabarly victorieux à Newport : Hasard ? Chance ? Le palmarès du breton, inventeur de génie, prouve le contraire. Il s’agit du fruit d’une stratégie, d’une détermination dans l’effort et d’une concentration exceptionnelle sur l’objectif.

En pleine tempête, on prend un ris, voire deux. On n’affale pas entièrement son gréement. On soulage la grand-voile, mais le foc stabilise et peut tenir l’embarcation bout au vent pendant les manœuvres délicates de réparation.

Bernard Rubinstein

Les anecdotes fleurissent déjà, d’adaptations incroyables des équipes qui réinventent leurs métiers, trouvent des solutions. Des compagnies aériennes transforment en quelques semaines leurs long-courriers en cargos. Des syndicats de la métallurgie s’unissent pour sauver l’emploi et les compétences de l’aéronautique. Un plan de soutien à l’aéronautique de 15 milliards vient d’être annoncé par le gouvernement… Les villes, départements, régions et l’état se mobilisent. Prouvons-leur qu’ils ont raison.

OSONS COMMUNIQUER

Il est parfois plus prudent de donner un coup de barre, que d’avancer même très lentement sur son erre (vitesse accumulée) et de dériver vers les récifs.

Les capitaines d’industrie vertueux n’ont jamais été des tièdes. La prudence, si elle est mère de toute vertu, ne peut et ne doit être confondue avec de la tiédeur, le statu quo ou la demi-mesure. Il est parfois plus prudent de donner un coup de barre, que d’avancer même très lentement sur son erre (vitesse accumulée) et de dériver vers les récifs. Il faut de l’audace, le courage de définir un véritable plan stratégique, le communiquer à son équipage, et s’attacher à le déployer en dépit des écueils et contre-courants.

Des économies en coupant net toute communication ? Vous gagneriez l’équivalent de 2, 5, 10 jours de salaire, selon la dimension de l’entreprise, tout au plus… et le secteur entier vous suspectera d’être à l’arrêt, ensablés sur un haut fond.

Au moindre signe de faiblesse structurelle, qui viendra s’intéresser à ce nouveau procédé industriel, pourtant prometteur ? Absents des grands rendez-vous aéronautiques et spatiaux, à qui parlerez-vous de la digitalisation complète de votre entreprise, qui vous rend beaucoup plus opérationnels et vous permettra d’embarquer sur tel ou tel futur programme (comprendre nouvel avion) ? 

La relance se fera attendre. Sans doute. Deux ans ? Trois ans ? Reprise en V ? En W ? Pire en L ? Les différents scénarios, très bien formalisés par Xavier Tytelman sont incertains… Ce qui compte, c’est qu’elle arrive. Ce qui est plus sûr encore, c’est qu’il ne faudra pas rater le signal d’envoi sur la ligne de départ. Bordons nos voiles !

Dès la reprise des salons (Aircraft Interiors Expo ? APEX ? EBACE ? JEC ? NSSBAA…), soyons-en sûrs, plusieurs acteurs dévoileront des innovations, prendront la parole… Le Bourget 2021 : c’est demain. La programmation, ce qui y sera dévoilé, se détermine aujourd’hui. Des arbitrages à faire ? Oublions le champagne et les petits fours. Réduisons les mètres carrés du lounge VIP. Optons pour de plus sobres architectures de stands. Industriels, challengez vos agences en ce sens… mais surtout, mobilisez les équipes dès à présent. 

Méfions-nous du silence assourdissant.

Le surcoût de l’urgence, que personne ne peut plus se permettre, est à bannir. La définition des messages clés, la programmation événementielle, l’habillage graphique des stands, la production de démonstrateurs, de vidéos, de brochures et plaquettes ne représentent in fine que des coûts marginaux. Méfions-nous du silence assourdissant.

NE BAISSONS PAS LA GARDE 

L’avis de grand frais vécu ne doit pas nous laisser baisser la garde. Sur le pont, ajustons le cap si nécessaire, ouvrons de nouvelles routes éventuellement. Ne nous laissons pas déborder ou submerger trop longtemps par l’émotion. Avançons. Parés ?

Profitons des cadences ralenties des FAL (lignes d’assemblage) qui, habituellement effrénées (Airbus annonçait encore le 23 février dernier des cadences record à 60 exemplaires A320 par mois avec des ambitions à 63 en 2021 et 67 à l’horizon 2023. En avril, l’avionneur européen les réduisait à 40), empêchent ou contraignent habituellement toute réflexion long terme. Délivrer « on time » est moins pressurisant ? Réfléchissons à encore réduire les coûts de non qualité. 

Trouvons de nouvelles sources d’approvisionnement : « dérisquons » diront les banquiers, « veillons au grain » diront les marins. Développons l’approche système, ré-étudions les projets R&T (Research & Technologie) ou de « Manufacturing Engineering » mis de côté.

Ils permettront demain d’être plus flexibles sur la chaine, de diversifier l’activité, d’élargir la gamme, de vendre du service, d’investir réellement le champ du MRO, de la maintenance prédictive, de dégager de la valeur ajoutée.

 Sortons plus forts de cette crise. Osons !

Challenger les méthodes, les process, former nos équipes, expliquer nos métiers au grand public. Répondons au paradoxe : nous allons vivre un taux de chômage record alors que le secteur peine à recruter des ingénieurs, techniciens, logisticiens, mécaniciens, ingénieurs qualité, ajusteurs-monteurs, câbleurs… Des métiers qui peuvent fournir des perspectives gratifiantes, bien rémunérées… et décentralisées. Figeac, Toulouse, Colomiers, Blagnac, Gimont, Pau, Albi, Aire-sur-l’Adoure… autant de villes au cadre de vie exceptionnel qui peuvent séduire : pouvoir d’achat renforcé, espace accru et qualité de vie améliorée… Nombreux sont les employés et étudiants confinés en appartement ou studio, qui ont d’ores et déjà exprimé leur souhait de quitter la région parisienne.

Alors, oui, la tempête est là, le brouillard est encore épais. À l’image du Sphynx de Bénodet dont nous commémorerons le 22ème anniversaire de la mort dans quelques jours, sortons plus forts de cette crise. Osons !

Jean-Baptiste Levesque,

Digital Marketing Manager & fondateur de l’agence Kardinal T